Sandra Mathieu a récemment publié le livre « Ermitages d’un jour: A pied dans les Préalpes d’Azur » dans lequel elle retrace son année écoulée à parcourir les sentiers de randonnée des préalpes de Grasse et d’Azur.

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Pouvez-vous vous présenter?

Je suis née à Paris, puis j’ai habité en Lorraine, dans les Vosges avant de choisir de vivre à Grasse, dans les Alpes Maritimes en 2006.

J’ai fait des études de philosophie et j’ai renoncé à enseigner la philosophie pour m’orienter vers l’aide auprès d’enfants en difficulté, ce que je fais encore aujourd’hui, en collège.

Je passe la majeure partie de mon temps libre à marcher et à écrire. Je fais beaucoup d’autres choses,  en particulier essayer de jouer du piano ou lire en masse.

Je suis également animatrice de randonnée et je raconte dans mon livre les tenants et les aboutissants de ce choix.Mon souhait est actuellement d’aller vivre dans le Luberon. Je profite encore amplement de nos montagnes avant de bientôt les quitter.

Racontez-nous le sujet de votre livre:

Pendant un an, je suis allée marcher dans les préalpes d’Azur, une zone assez méconnue des Maralpins.

Il faut dire que ce département est très riche et très diversifié en matière de paysages. Le massif roi est ici le Mercantour, et peu de gens viennent marcher en marge du GR4.

Pourtant, ce sentier commence à Grasse. Il serpente au-dessus des premières montagnes qui servent d’écrin à la ville des parfums, se poursuit vers Caussols, Gréolières, l’Estéron, continue en Provence du côté de Manosque pour s’achever à Royan.

Évidemment, je parle du déroulé du sentier dans ce sens, en tant que Grassoise. Mes sentiers ne se confondent pas toujours avec le GR mais j’aime en croiser ou en suivre des portions au cours de mes pérégrinations.

Dans ce livre, j’aborde aussi des réflexions sur la solitude et sur le sens de l’aventure par exemple. J’évoque aussi l’intérêt multiple de la marche, de la marche en solitaire ou du silence.

Comment vous est venu l’idée du livre?

J’écris depuis très longtemps mais sans véritable ambition. Cette fois, le plaisir d’écrire et celui de marcher se sont combinés et j’ai voulu porter ce projet à son terme.

Au fil des marches, j’ai eu envie de partager ces aventures ainsi que les sentiments qui se pressent en nous lorsque l’on marche. Je trouvais assez injuste que cet environnement si beau soit si peu fréquenté.

Evidemment, c’est aussi une chance, mais j’ai eu envie de participer à faire connaître cette portion du chemin plus connu des touristes et des marcheurs du GR4 que des autochtones.

Par chance, mon tapuscrit a plu à une maison d’édition de voyages reconnue, les Éditions Trans boréal. J’aimais cet éditeur mais comme il publie les auteurs de voyages lointains et au long cours, je n’imaginais pas qu’un tel sujet pourrait plaire au comité de lecture. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant votre expédition?

Plutôt que d’expédition, je parlerais d’expéditions au pluriel puisque je n’ai pu faire ce chemin en une fois.

Je dirais la nécessité et le bienfait du silence. Lorsque l’on marche en groupe, on n’est pas véritablement en contact avec la nature. A moins de chercher l’exploit sportif, marcher en marge de la civilisation permet de se ressourcer grâce, en partie, à l’absence de bruit et à son propre mutisme. L’effort de la marche provoque également un état particulier de calme.

En ville, en famille, il est rare de pouvoir profiter du même calme. Le monde dans lequel on vit est bruyant, la technologie implique des interactions humaines de plus en plus nombreuses et rapides. Moi qui suis très loquace, je suis heureuse de n’avoir plus besoin d’interlocuteur en montagne. Quand nous marchons à deux, nous décidons parfois de faire silence.

Qu’est-ce que vous avez aimé?

Au niveau des paysages, et si je dois parler de « Mon » GR, je dirais que le fantastique est de pouvoir voir la mer tout en marchant dans la montagne. Sur le GR4, c’est possible depuis le massif du Cheiron à Gréolières-les-Neiges.

Ce que j’aime également, c’est le paysage de garrigue, toutes ces odeurs de thym (la farigoulette), de lavande et les espèces plus rares et fragiles, la silène, l’ophrys frelon. J’ai aimé apprendre à appeler les choses par leurs noms, les élytres, les cupules, autant de termes inusités et poétiques.

A un niveau plus « intérieur », j’ai aimé m’affranchir de mes peurs. Par le passé, je n’allais que très rarement marcher seule. Depuis lors, je n’ai plus peur des bruits qui m’auraient épouvantée il y a encore cinq ans. Je me sens capable de marcher hors sentier, de sentir que la nuit arrive sans m’angoisser. Je me sens en sécurité. Je suis certaine qu’apprivoiser ces peurs a eu des répercussions positives sur ma vie en général.

Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé?

Rencontrer des groupes de marcheurs bruyants. Parfois, je me cachais pour les éviter, ne pas avoir à les entendre ou à leur parler.

Je crois que nous allons dans la nature pour côtoyer un territoire qui n’est pas le nôtre, celui des oiseaux, des animaux, des animaux sauvages. Nous devons respecter ce territoire et si nous voulons avoir l’occasion d’apercevoir ces animaux, c’est en restant silencieux.

Par ailleurs, je prends peu plaisir à écouter des discussions que j’ai voulues fuir. Entendre parler de faits divers alors que j’ai fait le choix de ne plus regarder ou de lire ce genre d’informations, c’est dur !

Des conseils pour les randonneurs qui voudraient vous imiter?

En préambule, je tiens à préciser que je ne veux pas à être imitée. C’est aussi un des messages de ce livre : marcher permet de s’individuer et de mieux se connaître, savoir ce qu’on veut et trouver sa propre voie.

Je serais heureuse d’inspirer le désir de partir plus souvent marcher dans la nature, et en particulier dans cette zone. Je donne en tout cas quelques pistes dans cet ouvrage où l’on trouve également un carte et un index des communes et des curiosités.

Pour ce qui est des conseils, et pour respecter ce territoire dont je parlais à l’instant, j’ai décidé de faire le moins de hors-sentiers possible. Je prenais des risques qui sont exaltants mais sans doute inutiles. Rester sur les sentiers, c’est également respecter la flore, si précieuse et fragile.

Dans le sud, malgré la chaleur, on trouve assez régulièrement des sources et des fontaines. Les habitants sont assez sympathiques pour fournir de l’eau en cas de besoin.

En revanche, il faut se méfier des incendies. Au cours de l’été 2017, de nombreux feux ont dévasté les paysages de Provence. Avec le Mistral, le feu se propage vite. Moi-même, j’ai failli être prise dans un départ de feu sur les hauteurs de Saint-Vallier de Thiey, sur la dernière portion du GR4.

Il n’y a pas de risque de morsure de serpent plus importante qu’ailleurs. Ici nous avons la vipère d’Orsini mais elle se fait discrète et voisine plutôt le plateau de Calern.

Sur la fin du GR4, les hébergements existent mais sont souvent fermés avant avril, il faut donc se renseigner si l’on veut un toit. Il en est de même pour les commerces qui sont rares. Je donne d’autres conseils concernant par exemple les chenilles processionnaires à la fin du livre.

Quels sont vos futurs projets?

J’ai fait quelques grands voyages et continuent à partir loin dans la mesure du possible. J’irai bientôt au Cap-Vert  et sur l’Île de la Réunion. Je vais aussi bientôt passer une semaine dans le Luberon : le GR4 ne passe pas loin,  au sommet du Ventoux …

Je continue à marcher sur le GR4 ou à travers le Parc Naturel Régional des Préalpes d’Azur. J’essaye d’aller marcher au moins deux fois par semaine . J’aimerais suivre le GR4 en entier mais pour l’instant ma vie professionnelle ne me le permet pas. J’essaye actuellement d’aménager mon emploi du temps pour que cela soit bientôt possible.

Merci.

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